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Combien ça coûte ? Coûts et investissements : appels d'offres et ressources

Dans cet épisode, Grégory Pouy questionne Béatrice Pierrard (Chic), Nathaël Duboc (Gyro), Côme Jacobée (belazar) et Jan Belleti (Sixtine) sur les différents coûts auxquels sont confrontées les agences. Prestataires externes, ressources internes, appels d’offres, nos invités nous livrent leur retour d’expérience à 360° autour des coûts et des investissements.
 
Vous préférez la lecture ? C’est parfait ! On vous résume tout dans cet article.

L’inbound : oui, en théorie…

Jan Belleti, co-fondateur de l’agence Sixtine, amorce le sujet de la stratégie d’inbound. « On devrait, dans la pratique. L’essentiel de notre énergie se traduit par “comment produire au mieux le contenu du client ?”. Après, on essaye de faire connaître ce savoir-faire en le montrant sur les réseaux sociaux. Et c’est les cas clients concrets qui montrent le mieux ce qu’on sait faire, l’étendue des typologies de contenus qu’on fait. On a historiquement plutôt construit notre offre de cette façon. »

Béatrice Pierrard, directrice générale de l’agence Chic le rejoint : « Tout pareil. Je pense qu’il y a probablement une façon de s’améliorer sur le sujet, mais ça reste la meilleure pub possible. »

« En fait, dans toutes les entreprises, il y a un directeur ou une directrice de communication, pourquoi il n’y en aurait pas dans une agence ? » - Côme Jacobée, co-fondateur de l’agence belazar

« C’est toute la problématique qu’on a à résoudre, c’est que c’est une fonction de support qui est fondamentale au même titre que DRH, DG… », explique Côme Jacobée, co-fondateur de l’agence belazar, avant de reprendre : « Toutes ces fonctions qui sont là pour embrasser, structurer, étayer le business. Et on pense que, parce qu’on bosse dans la communication, il n’y a pas besoin de directeur ou directrice de la communication. Alors que, bien sûr, il y a des tas d’agences, des tas de groupes qui possèdent cette fonction en interne et qui, pour le coup, structurent une stratégie de mise en avant, de faire connaître. C’est ce que nous, on attend avec impatience.

Avoir financièrement la possibilité de dire : « On peut investir sur une fonction de support capable de mettre en avant l’agence ». Comme disait Jan, on est plutôt orienté client, métier, et effectivement, ça fait partie des fonctions supports un peu difficiles en agence. Puisqu’on pense qu’on est capable de le faire. Mais non, on n’est pas forcément capable de le faire. »

Nathaël Duboc, directeur général de l’agence Gyro, introduit le sujet des appels d’offres : « Chez nous, l’essentiel de l’avant-vente se fait en appel d’offres, enfin lors des pitchs, globalement. On va dire que c’est ça qui coûte le plus d’argent, souvent plutôt en analytique. Selon l’enjeu et la taille de l’enjeu, on peut aller assez loin. Et après, il y a quand même un investissement pour faire plus de communication transversale, pour valoriser nos campagnes à travers les prix, un peu de RP, etc. Mais la comm est un métier, on est d’accord. Souvent, il faut avoir une taille critique pour avoir un poste dédié à ça. Chez nous, ce n’est pas totalement le cas. »

« C’est du temps qu’on passe, qui n’est pas rémunéré, que tu investis dans une compétition, plus des frais externes comme faire des maquettes, parfois faire des montages. » - Nathaël Duboc, directeur général de l’agence Gyro

Appels d’offres : les compétitions qui coûtent cher

Du côté de chez Gyro, on fait le tri : « On essaye d’être sélectif dans les compétitions qui nous arrivent. Ça peut être sur un certain nombre de critères, par exemple, le nombre d’agences impliquées. Est-ce que c’est une compétition qui nous paraît transparente, saine ? Une vraie compétition et pas un appel d’offres technique, comme parfois. Quand il y a un budget, on connaît les agences… Bref. Il y a une charte de la belle compétition qui a été éditée dont les critères sont plutôt bien. Après, la problématique, c’est de savoir si tous les acteurs jouent le jeu. C’est toujours compliqué de refuser un pitch. Est-ce que j’y vais ? Je n’y vais pas ? Il y a un enjeu de business derrière. Mais c’est aussi éviter de s’épuiser, d’épuiser des équipes dans les pitchs qui n’apportent rien. Donc, c’est assez sain de le faire. »

Béatrice, quant à elle, souligne un avant/après : « Je pense qu’il y a eu un énorme changement au moment de la pandémie. Parce qu’historiquement, il y avait quand même très peu de dédit. Maintenant, c’est quasiment systématique. Alors après, peut-être parce qu’on monte sur des plus gros sujets, justement avec cette approche plus axée sur le conseil. Forcément, tu touches à une sensibilité de la marque, ce sont des sujets très stratégiques. Mais il y a très peu de nos clients et même des clients externes qui proposent des gros pitchs sans dédit. Je pense qu’effectivement, il y a un épuisement tel de l’équipe, qui a travaillé pendant trois semaines, et parfois même avec un peu d’achats externes sur des sujets qui te prennent aux tripes parce que vraiment c’est extrêmement motivant, c’est très challengeant. Quand ça ne mord pas et qu’en plus, il n’y a pas de dédommagement derrière, c’est un peu la double peine. »

« La plupart du temps, désormais, on ne va pas sur des pitchs sans dédommagement sauf de façon exceptionnelle, quand avoir ce client pour ton portfolio, c’est juste magique pour l’impact économique. » - Béatrice Pierrard, directrice générale de l’agence Chic

Qu’on se le dise, le dédommagement en général, ne représente pas le coût de l’appel d’offres… Béatrice rebondit : « Non, on va dire qu’il y a des gros montants où on se dit que c’est comme s’il n’y en avait pas. Mais je pense que maintenant, on a vraiment des vraies bonnes enveloppes, des montants à 5 chiffres. Donc ça couvre quand même énormément de travail. »

Pour Côme, la difficulté est tout autre : « C’est toute la difficulté d’être une agence de petite taille. La complexité pour nous, c’est effectivement de mobiliser une équipe « new bizz’ ». Du coup, à notre taille, à notre échelle, on ne peut naturellement pas dédier 4-5 personnes au « new bizz » à temps plein. Par ailleurs, la difficulté, c’est d’être reçu dans les appels d’offres. Sur notre positionnement, il y a d’autres agences avec des équipes beaucoup plus importantes et rassurantes pour les clients qui leur permettent de dire : « OK, on ne va pas prendre le risque avec une petite agence. On va peut-être plutôt revoir notre offre à la hausse de manière à avoir des agences qui sont fiables, qui ne risquent plus rien parce qu’elles sont installées depuis des années ».

L’air de rien, ça compte énormément. On s’en rend bien compte et on a bien vu la progression. Plus on est petit et plus c’est compliqué d’être invité à la table. Maintenant, il y a des chartes de compétition. Je pense que c’est un sujet complexe. Moi, je continue à penser que ça ne peut changer que par le haut. Ce ne sont pas des agences comme nous qui peuvent changer le jeu sur un appel d’offres de 1, 2, 3 millions d’euros. Quand tu consultes 5 agences et que de tes clients, tu reçois autant de réflexion et de création gratuitement, que tu fais un deuxième tour avec 3 agences potentiellement et que tu reprends une couche, etc. Je veux dire, ça te nourrit tellement, les coûts humains, les achats externes, c’est monumental. Tant que les grandes agences ne diront pas : « Stop, on arrête de participer sans avoir un ratio qui soit acceptable pour tout le monde ». Ça ne changera jamais. »

Nathaël acquiesce : « Ça représente un coût et une énergie dingues ! Je pense que c’est plutôt la question de valoriser cette valeur immatérielle. Et le pire, pour moi, ce sont les appels d’offres publics. L’État devrait être irréprochable et exemplaire dans sa manière de traiter son tissu économique et notamment les industries créatives. Il y a d’autres pays où c’est la prise de référence, on vend de la méthodologie, de l’organisation, des références, évidemment, une approche budgétaire et ça suffit. Éventuellement, on peut avoir une note d’intention, une rencontre et ça suffit pour prendre une décision. Je pense que ça serait assez vertueux pour notre marché. »

« L’effort des agences, c’est du prêt à commencer. », remarque Côme. « Depuis que je bosse dans la communication, j’ai toujours été fasciné par l’énergie qui y est déployée et ce qui est apporté à des annonceurs gratuitement. Si tu sélectionnes une agence, tu es quasiment prêt à partir et à te déployer. C’est incroyable le niveau d’exigence qui est demandé en appel d’offres et le livrable final tant créatif que stratégique, je trouve que c’est surdimensionné. »

Nathaël élargit le scope : « Après, quand tu te mets du côté de l’annonceur - c’est une discussion que j’ai eue avec beaucoup de clients - il faut savoir que souvent, c’est un gros moment de stress aussi pour eux, trouver le bon partenaire, qui souvent, va être un partenaire structurant qui va les accompagner plusieurs années. C’est vrai que l’erreur de casting peut aussi coûter très cher. Elle peut parfois coûter la place du mec ou de la nana qui a pris la décision. Par contre, il y a d’autres modèles : les Anglo-saxons travaillent de façon plus collaboratives. Parfois, ils vont faire un ou deux jours de travail en commun. Parce que finalement, ce que tu as envie de valider, c’est comment ça réfléchit et comment fonctionner ensemble. Pourquoi ne pas le tester plutôt que de faire bosser tout le monde pendant deux mois ? »

Less is mort

Côme : « En termes de coûts, pour nous, c’est forcément impactant. Encore une fois, on a bien vérifié aussi dans des agences à peu près équivalentes, on n’a pas bénéficié du nom et de la notoriété, donc on part plutôt derrière. On est alors toujours obligé de prouver plus. On sait très bien qu’on va devoir mettre plus, en tout cas, on se donne toujours au maximum. On ne triche pas là-dessus. Mais c’est vrai qu’il y a des paliers. »

Nathaël rebondit : « Les coûts externes, comme disait Côme, c’est qu’est-ce que je peux potentiellement gagner ? Qu’est-ce que je suis prêt à investir ? Déjà, on a un budget à l’année. On a une enveloppe budgétaire, donc on est tenu de la respecter si on gère bien la boutique. Ça, c’est pour la partie frais externes. Puis, parfois aussi, on est un peu tenté d’être dans la surenchère du nombre de délivrables, du matériel à fournir, alors que le client ne prend pas une décision sur cinquante déclinaisons dans tous les formats. Il prend une décision sur un cœur de proposition. « Less is more », c’est quand même assez valable sur le nombre de délivrables dans un pitch. Et maintenant, je trouve qu’il y a de plus en plus d’agences qui sont sur des temps beaucoup plus courts. On a moins le temps de s’exposer, ce qui est aussi bien pour nous. Je dirais que souvent, en termes de temps de valorisation, c’est 10% de la marge brute investie en pitch en new business dans l’année, quand on valorise le temps. »

En production, du côté de chez Sixtine, le schéma est un peu différent. Jan nous explique : « Nous, on part quand même souvent, quand on peut, de l’enveloppe du client. Il ne la donne pas tout le temps. Mais du coup, notre accompagnement, c’est aussi donner des fourchettes pour aider à situer, parce qu’on va demander combien coûte une voiture ? Combien coûte un film ? C’est une Twingo, une Porsche Cayenne ? Tu veux la clim ? Le vrai challenge, c’est produire vulgairement au bon rapport qualité-prix. Pour ça, il faut réfléchir un peu à la stratégie de production. Sur une enveloppe donnée, où est-ce que je vais bien dépenser de l’argent ? Si c’est une comédie, je vais miser sur un comédien. Si c’est un film avec des effets spéciaux, je vais faire appel à un directeur artistique. Ce rééquilibrage se fait beaucoup en fonction d’une enveloppe. Le même script peut être imagé de 1 à 10. À 1, ce n’est pas l’œuvre du siècle, à 10, ce n’est pas une arnaque, c’est juste pas le film, et pourtant c’est le même script. Donc, la base pour nous, c’est être le plus proche possible de l’enveloppe. Et ensuite, pour cette enveloppe, à nous de voir comment on peut proposer le plus, en tout cas le plus adapté. Quand on ne connait pas l’enveloppe qu’on a, on travaille souvent avec des budgets, avec des extrêmes, de très serré à de qualité supérieure pour aider à situer. Pour dire : « Ce même script, si vous voulez le faire à l’ultra économie, ça tendrait vers ça. Si c’était un projet beaucoup plus confortable, plus ambitieux, ça tendrait vers ça ». Souvent, ça tend vers un juste milieu. Tous les devis sont ultra détaillés poste par poste, donc on se dit qu’on va enlever la maquilleuse ou la rajouter… Des choses qu’après, on va pouvoir mesurer. »

Ressources internes vs externes

Chez Chic, tout dépend du besoin. « De notre côté, ça va vraiment dépendre du métier spécifique et de l’expertise spécifique qui est requise. C’est-à-dire qu’on sait en tant qu’équipe et agence qu’on peut embrasser la problématique. En revanche, il va nous manquer potentiellement l’expert ici, sur ce sujet. Du coup, on se dit que ça vaut le coup parce qu’on a cette capacité à identifier la bonne personne. Je pense que le pire des cas, c’est quand tu n’as pas réussi à identifier la bonne personne et que tu dépenses de l’argent pour quelque chose qui n’aura aucune valeur ajoutée. » - déclare Béatrice.

Côme est catégorique : « Chez nous, c’est clair, à partir du moment où ça apporte de la valeur à l’histoire collective, on a plutôt tendance à l’intégrer en se disant qu’effectivement, c’est quelque chose qui va nous permettre à tous de progresser. Donc, une expertise ramenée au sein de l’agence, ça va nous permettre à tous de grandir, d’être plus pertinents dans notre approche de communication globale. Maintenant, forcément, on n’a pas non plus des moyens comme on aimerait en avoir. Donc, naturellement, on doit faire des choix. Ce qui est sûr, c’est que même si effectivement, parfois, on va chercher une expertise, on résout des problèmes, on trouve des solutions, en tout cas l’expertise qu’on va chercher à l’externe, elle ne nous a jamais fait grandir en tant que collectif. Elle nous a aidés sur un projet, elle nous permet de se poser des bonnes questions, mais cette dimension de collectif est fondamentale. »

Internaliser les talents

Pour Chic, c’est une partie de l’ADN. Béatrice confirme : « Je pense que chez nous, c’est historique. Et en plus, le fait que ce soit des collaborateurs internes et pas que des freelances, ça rejoint la vision du fondateur qui disait qu’à partir du moment où tu as un CDI, tu peux être dans un rythme économique de vie plus confortable. Donc c’était sa conception qu’on continue d’appliquer aujourd’hui. Puis parce qu’au final, on a la chance d’avoir de très bons talents ici. Après, à notre studio à Singapour, on va forcément recruter des talents en Asie, parce que c’est beaucoup plus intéressant en termes de réactivité. Mais oui, je pense qu’on est une société profondément française. »

Jan rejoint cet état d’esprit : « Il y a une logique assez similaire dans l’ADN très familial de Sixtine. Ce studio intégré, ça rentre dans une logique business, parce qu’on supprime beaucoup d’intermédiaires. Mais c’est aussi une logique, un ADN humain car dans un studio, il y a une notion de famille, un regroupement. Ça fait partie un peu du plaisir au quotidien d’avoir toutes ces équipes, cette fourmilière qui s’active avec plein de métiers différents. C’est l’émulsion qu’on y retrouve. On parlait aussi de l’attrait, il y a les salaires et aussi l’environnement, l’ambiance, l’énergie que ça procure. Et ça, tu l’as plus avec des permanents qu’au coup par coup avec des freelances. Et puis, pour la partie très concrète, notamment dans le digital, il y a cette notion d’ultra flexibilité, de réactivité, qui provient des collaborateurs internes qui connaissent les besoins du client, qui savent ce qu'il aime, ce qu'il n’aime pas, qui doivent être présents pour ça. Quand on a besoin d’un montage pour le lendemain à 8 heures, on ne peut pas au coup par coup voir si quelqu’un est disponible. S’il n’y a pas de manière structurée des talents pour le faire en interne, c’est compliqué de pouvoir y répondre. »

Voilà, on vous l’annonce, les yeux presque humides : la première saison « Business & développement » touche à sa fin. Retrouvez le meilleur de cette émulation, des références et des conseils inédits dans nos deux e-books.

Merci à toutes et à tous d’avoir suivi le programme « Agency Life ».

Nous espérons vous revoir bientôt.

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